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Institut d'Évaluation pour la Santé et la Sécurité au Travail

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Le dispositif pénibilité, priorité à la prévention

L’un des principaux défis du troisième Plan santé au travail (PST 3) 2016-2020 est le renversement de perspective qu’il réalise en donnant la priorité à l’exigence de prévention plutôt qu’à la démarche de réparation.
Cette prise de position forte fut le fruit d’un consensus entre l’État, les partenaires sociaux, la Sécurité Sociale ainsi que les acteurs de la santé et de la sécurité au travail. La liberté donnée au salarié dans les usages qu’il pourra faire des droits qu’il acquiert est également un principe novateur.
Si le débat n’a pas porté sur la légitimité de cet objectif, des questions se sont posées sur la manière la plus efficace de l’atteindre. À cet égard, la vocation première du « compte personnel de prévention de la pénibilité » (C3P) n’est pas de favoriser des départs anticipés à la retraite par exemple, même si ce type de compensation est parfaitement légitime, mais de diminuer les conditions de travail pénibles.
Les innovations technologiques, le développement de la numérisation et de l’automatisation, la part croissante des services dans la production pourraient laisser penser que la pénibilité physique, est appelée à se réduire naturellement. Or les données d’enquête ne confirment pas cette décroissance spontanée. Avec des variations selon les critères de pénibilité retenus, le pourcentage de personnes exposées ne diminue pas, entre 1984 et 2013. Contraintes physiques, prévention des risques et accidents du travail », Elisabeth Algava, Lydie Vinck, Synthèse stat’, DARES, juillet 2014 et mars 2015 (données issues de l’enquête Conditions de travail). A titre d’exemple :
L’exposition aux contraintes physiques, aux produits dangereux ou aux risques infectieux augmente sur la période.
Pour les contraintes posturales entre 1984 et 2013, on constate une augmentation souvent très importante, jusqu’à un doublement des effectifs pour l’exposition aux secousses ou vibrations entre 1984 et 2013.
Il en est de même pour le travail de nuit entre 2005 et 2013 ; si la proportion des hommes qui y sont astreints stagne, celle des femmes augmente. L’exposition au bruit, aux fumées et poussières, aux produits dangereux, et aux risques infectieux ne diminue pas entre 1984 et 2013.

Cette nouvelle approche de la politique de santé et de sécurité au travail vise à créer une culture de la prévention au sein de l’entreprise. L’analyse des risques qui doit être chaque année renouvelée permettra, si elle est correctement menée, une prévention effective et dynamique.

Qualité de l’évaluation et cout pour l’employeur

L’évaluation des risques professionnels et de la pénibilité relève de la responsabilité de l’employeur et s’inscrit dans le cadre de son obligation générale d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés.
Avec le C3P, l’État octroi de nouveaux droits aux salariés exposés à la pénibilité. Le coût de ces droits va être financé par une cotisation de base due par tous les employeurs et une cotisation additionnelle, due par les employeurs des salariés exposés. Le taux de cotisation est doublé lorsque les salariés sont exposés à plusieurs facteurs de pénibilité. Ainsi, le dispositif conduit à renchérir le coût du travail des « emplois pénibles » et incite toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, à la réduction de la pénibilité.
De la qualité de l’évaluation des risques et des préconisations d’actions qui en découlent dépendra donc le coût de la cotisation imputable à l’entreprise. D’autant plus que les estimations font varier le montant du C3P de 6,3 à 12,5 milliards d'euros, soit du simple au double. Le coût réel du dispositif pourrait s’avérer deux fois plus élevé que la note prévue par le gouvernement (selon la quantité de postes concernés, le pourcentage de salariés poly-exposés, la prise en compte future des risques psychosociaux, l’utilisation qui est faite des points accumulés…), et les cotisations employeurs demeurent pour l’instant la seule source de financement. L’institut économique Coe-Rexecodees estime qu’il faudrait accroitre de 3,05% la cotisation sur le salaire pour parvenir à un équilibre des comptes.
C’est pourquoi l’évaluation des risques en dehors de la stricte application de la réglementation, s’avère également un investissement judicieux afin d’échapper à la future et probable augmentation progressive des taux.

La santé, support incontournable de la performance

Si la recherche de la performance est la vocation naturelle des entreprises, les questions de santé et de sécurité sont souvent reléguées au second plan. Prises en charge par des spécialistes dans les grandes entreprises ou par des acteurs extérieurs dans les petites, elles sont seulement perçues comme des obligations réglementaires.
Pourtant, agir sur la santé est un levier de performance, pour au moins deux raisons :
La « non santé » impacte lourdement la performance économique : accidents du travail, maladie professionnelle, absentéisme, perte d’efficacité́, diminution de la qualité, manque d’engagement des salariés, désorganisation liée aux absences…
La « bonne » santé, à l’inverse, permet de mettre les salariés en capacité́ d’agir en faveur de la performance de leur entreprise.
Les résultats économiques se mesurent essentiellement de façon financière alors que la vraie différence entre deux entreprises, c'est la capacité à mobiliser les intelligences individuelles et collectives.
De cette capacité dépendent l'innovation et l'adaptation à des changements de plus en plus rapides.

Le contexte économique au service de la compétitivité

Chaque entreprise développe sa performance de façon spécifique : elle est fonction de son secteur d’activité́, de sa culture et de son histoire, du profil de son dirigeant. Pour autant, l’évolution du contexte économique a aussi son importance.
Aujourd’hui, la compétitivité des entreprises repose sur leur capacité à s’adapter et à rebondir. Le travail est de moins en moins considéré comme une mécanique avec des rouages qu’il s’agirait de faire tourner plus vite, mais de plus en plus comme un ensemble apprenant, s’adaptant à un futur complexe et incertain.
Cet ensemble ne trouvera cette capacité́ d’adaptation et d’apprentissage que dans son capital humain. Faire de la performance, c’est aussi et surtout travailler sur l’humain. Voilà pourquoi la promotion de la santé et de la prévention sont de véritables leviers de productivité.